L'Histoire du Château
de Saint-Aubin-du-Cormier

C’est pour protéger la frontière de l’est, et en particulier la ville de Rennes, surveillant par la même occasion deux grands vassaux, les turbulents barons de Fougères et de Vitré, que le Duc Pierre de Dreux a fait construire cette magnifique forteresse de Saint-Aubin-du-Cormier. Elle sera une des pièces maîtresses de la ligne de défense fortifiée de Bretagne, sur sa frontière terrestre allant de Saint-Malo à Nantes. Le Duc aimait particulièrement ce site forestier sauvage et très giboyeux. Depuis le début de son règne, il rêvait d’y construire un château, et il fit appel aux meilleurs maîtres d’œuvres, et aux meilleurs compagnons pour son édification. Commencé en 1223 il fut terminé en 1225, en seulement deux ans pour l’essentiel de sa structure. Ensuite ses fortifications seront augmentées et améliorées au fil du temps, pour devenir une forteresse jugée imprenable à l’époque… C’est-à-dire avant les puissants canons à boulets d’acier du XVe siècle !

La ville fortifiée de murailles de Saint-Aubin-du-Cormier a aussi été créée à l’époque, conjointement au château, par Pierre de Dreux qui pour en faciliter le peuplement va octroyer à ses habitants nouveaux arrivants des privilèges exceptionnels : Par un acte du 17 avril 1225 il affranchit tous les habitants de Saint-Aubin-du-Cormier des nombreuses corvées féodales dont la taille, avec concessions de droits de pâture, de litières et de bois mort. Seul le service d’Ost (service des armées), que tous les hommes doivent quand il est nécessaire, est maintenu, ainsi qu’un loyer annuel de cinq sous par maison. Une troisième clause maintenait les libertés des habitants de Saint-Aubin-du-Cormier, même s’ils venaient à quitter la nouvelle ville, s’ ils restaient sur le domaine du Duc de Bretagne. Forte de tous ces privilèges, la ville se développe et devient un marché actif, tout en conservant sa vocation essentielle de place forte élevée pour la garde du Duché.

En 1230, Pierre de Dreux dit Mauclerc s’étant retiré de la mouvance du Roi de France pour faire hommage au Roi d’Angleterre Henri III, une forte armée française menée par le jeune Roi Louis IX envahit la Bretagne, avec pour objectif la ville et la forteresse de Saint-Aubin-du-Cormier, confirmant l’importance stratégique que les contemporains y attachaient. Le Duc de Bretagne, trop faible pour attaquer de front les Français, se jeta sur leur arrière garde où se trouvaient les convois d’armes et de vivres, détruisant les chariots qui portaient les instruments de siège, ce qui pouvait le retarder mais n’empêcha pas l’armée française d’aller prendre position devant la ville. Finalement Mauclerc, qui n’était pas en état de résister, dut se résigner à traiter et à signer une trêve, le 4 juillet 1231, mettant en dépôt sa précieuse citadelle entre les mains d’un seigneur français, Philippe Hurepel, comte de Boulogne et oncle du roi. Conditions qu’il ne devait pas respecter au-delà de la mort de ce dernier en janvier 1234, où il reprit possession de la forteresse avant que la trêve ne fut expirée. En 1342 le château de Saint-Aubin-du-Cormier défendu par Papillon de Saint-Gilles est assiégé sans succès par Charles de Blois qui brûla la ville. La place était en 1381 aux mains d’Olivier de Clisson qui la remit au Duc Jean IV. Le Duc Jean V confirma les privilèges de la ville en 1427 et fit exécuter en 1435 de grands travaux dans le château : construction de la chapelle intérieure et renforcements de la muraille extérieure. Travaux de renforcement repris plus tard par François II à la veille de l’invasion française. Cette invasion débuta en mai 1487 et progressa victorieusement jusqu’à Nantes qui résista avec succès.

L’armée française forte de 4000 hommes se dirigea alors vers Saint-Aubin-du-Cormier pour mettre le siège au château le 10 octobre 1487, semant la terreur partout sur son passage. Une grande partie des habitants de Saint-Aubin-du-Cormier se sont enfuis dans la forêt voisine, ainsi qu’une vingtaine de soldats bretons du château, ne laissant sur place qu’une quarantaine d’hommes sous le commandement du vieux brave Rosnyvinen. Ce dernier, dans sa détermination farouche et héroïque à défendre le château au prix de sa vie et de celle de ses hommes à un contre cent, réussit à faire tuer 60 à 80 français, avant de recevoir la canonnade française avec grande et sévère intensité, brisant la muraille du côté de la ville. Les Français pouvaient prendre la place d’assaut, mais par estime pour la valeur de Rosnyvinen, ils lui permirent de se retirer à Rennes, vie et bagues sauves. Rosnyvinen refusa d’abord, prêt à mourir dans l’honneur, mais sous l’insistance de ses hommes accepta finalement. Ainsi Saint-Aubin-du-Cormier tomba définitivement aux mains des Français. Le château sera détruit l’année suivante de la bataille de Saint-Aubin-du-Cormier, en mai 1489 sur ordre du Roi Charles VIII, un demi donjon laissé debout côté nord-est, par là où sont arrivés les français en 1488, symbole de domination française sur les Bretons. Certains esprits bretons facétieux se demandent s’ils ne nous ont pas laissé un bouclier ? De 1225 à 1489, ce château n’aura existé dans sa splendeur que pendant 262 ans… mais ses belles ruines sont toujours là depuis plus d’un demi millénaire, pour nous parler de son histoire et nous évoquer sa splendeur passée. Le pouvoir émouvant des pierres…